Les
initiateurs
Le projet de
la Maison des associations socio-politiques a été
initié par Régis de Battista et Marina Bertani, dans
le cadre du Village Alternatif. >>
Du rêve à la réalité
La mise en place de la Maison des associations en a exaspéré
plus d'un, mais chacun (ou presque) en a admis la nécessité
Si dans plusieurs pays d'Europe les collectivités publiques ont
reconnu depuis fort longtemps l'importance de l'apport des associations
socio-politiques au développement de la société, tel n'est pas le
cas dans notre beau pays. Malgré le fait que dans des domaines aussi
variés que la santé, l'éducation, l'environnement, les droits des
personnes, et on en passe, différents groupements ont apporté leur
pierre à l'évolution de la législation, aucun projet d'envergure
n'a pu se concrétiser pour offrir les moyens indispensables à l'action
du monde associatif. Ceci étant souvent perçu comme antagoniste,
plutôt que complémentaire, par le monde politique, il a longtemps
trouvé des obstacles insurmontables sur le chemin de sa reconnaissance.
C'est pourquoi la Maison des associations socio-politiques à Genève,
première du genre en Suisse, n'a pu se réaliser que par l'opiniâtreté
d'un groupe de personnes issues du monde associatif.
Rendre à César ce qui est à César
Au cour et à la tête de ce projet se trouve Régis de Battista, pacifiste
et objecteur de conscience de la première heure, membre actif de
différentes organisations, il est aujourd'hui député socialiste
au Grand Conseil de Genève et Directeur de la Maison des associations.
Son mérite indéniable a été, au fil du temps, d'avoir su convaincre
un groupe de personnes suffisamment fortes pour l'épauler et gagner
la confiance d'experts techniques, financiers et des représentants
politiques pour mener à bon port ce projet.
Les premisses
C'est à la fin des années '80, par la participation au Salon du
Livre et de la Presse, que Régis de Battista rencontra Luc Gilly
(aujourd'hui lui aussi député sur les bancs de l'Alliance de Gauche),
le Docteur Wenger, Marina Bertani et Jean Musy, directeur de Radio
Zones 91.8 FM.
Ensemble, ils arrivèrent à organiser une quarantaine de débats qui
débouchèrent sur des rencontres et des synergies qui se révéleront
par la suite déterminantes.
En effet, c'est en 1991 qu'une vingtaine d'associations s'allièrent
pour former le premier Village Alternatif intitulé «Une autre Suisse
pour un autre monde».A cet occasion Michel et Raymond Beffa (menuisiers
de profession) et Gérald Hibon (directeur du WWF) se joignèrent
à l'équipe, qui se renforça par la suite grâce à l'apport de Marco
Solari ( à la coordination) et de Philippe Progin et Nasser Beressa
(menuisiers).
C'est en 1996, devant le succès annuel grandissant que la structure
collective initiale se transforma en structure associative et c'est
à ce moment-là qu'un groupe de personnes, sous l'impulsion de Régis
de Battista, se pencha pour la première fois sur la question fondamentale
de savoir comment éviter d'arrêter brusquement les synergies développées
lors du Salon International du livre et de la Presse.
La première démarche fut de constituer la Fédération pour l'expression
associative qui, au bout du compte, est arrivée à regrouper plus
de soixante-dix associations. C'est cette structure fédérative qui
a pris la responsabilité de lancer concrètement le projet de la
Maison des associations. Il faut saluer le travail durant cette
période de Jordi Bruggimann (ancien membre de l'ACEG), de Collin
Archer (secrétaire général du Bureau International de la Paix),
ainsi que de Marina Bertani (présidente de l'Association du Village
Alternatif).
Le rêve est partagé
Lancer l'idée de créer un «Village» permanent dans un lieu en plein
centre ville de Genève, faisant fi des critiques et difficultés
qui s'en seraient suivies, tel était le but que s'était fixé la
Fédération qui regroupait les associations dites socio-politiques.
Cette définition englobe les organisations qui agissent dans les
domaines des droits de la personne et des peuples, de la défense
de l'environnement, de la promotion de la paix et du désarmement
et du développement durable.
Différents lieux furent prospectés afin de trouver un espace suffisamment
grand pour accueillir une cinquantaine d'associations et très vite
une préférence se manifesta pour un ensemble de quatre bâtiments:
les anciens locaux de feu le journal «La Suisse». Dans cette phase,
Régis de Battista a pu compter sur l'aide de Jean Grivel d'Action
Studio.
Que ce soit lors des pourparlers avec les propriétaires pour l'acquisition
des bâtiments concernés ou lors des prises de contact avec les représentants
politiques, il a fallu continuellement faire face au scepticisme
ambiant de ceux qui percevaient le monde associatif comme un milieu
manquant de crédibilité. Venant de la part des milieux économiques
l'inquiétude était compréhensible, mais de la part d'élus, propulsés
par le monde associatif, il est permis de se poser quelques questions.
Cela dit, afin de garantir la plus grande stabilité possible, en
janvier 1999 la Fédération d'origine s'est transformée en une Fondation
de droit privé, dotée de mécanismes démocratiques.
Les «verrous démocratiques» supprimaient les risques potentiels
de voir le Conseil de fondation s'éloigner des buts originels du
projet. Le sens de ces articles «verrous» est d'offrir une grande
place au Comité des locataires de la Maison. Les délégués des associations
avaient ainsi la possibilité d'approuver les nouveaux membres choisis
pour le Conseil de Fondation, d'agréer au préalable toute modification
des statuts, d'avoir un représentant au sein du Conseil de Fondation,
d'accepter ou non les nouveaux locataires. Les utilisateurs non
locataires de la Maison des associations ont également droit à un
représentant au sein du Conseil de fondation.
En d'autres termes, les membres fondateurs de la Fondation n'ont
jamais voulu se poser en superviseurs du monde associatif mais,
au contraire, ont toujours estimé que ce n'est qu'avec le soutien
et la collaboration du monde associatif que le rêve pouvait se réaliser.
Le débat sur la place publique
Dans le monde politique, si d'une façon générale chacun avait rapidement
compris l'intérêt de ce projet, paradoxalement très peu de représentants
acceptaient d'octroyer les moyens financiers nécessaire à sa réalisation.
Cette ambiguïté était due principalement au fait que la plupart
d'entre eux ne reconnaissaient pas le poids économique de projets
alternatifs et le sérieux des associations.
C'est un groupe de conseillers municipaux (Ueli Leuenberger, Veronique
Pürro, Magdalena Filipowski, Esther Alder, Jean-Charles Rielle,
Sacha Pfister et Didier Burkardt) qui, au début de 1997 ont déposé
au Conseil municipal de la Ville de Genève la motion M 223 (initiée
par Régis de Battista) intitulée «La Maison des associations». Les
débats suscités ont vite montré la méconnaissance, de la part de
la majorité des élus, des difficultés des conditions de travail
dans le monde associatif.
A plusieurs reprises, la demande a été faite pour obtenir une concertation
entre les élus des administrations de l'Etat et de la Ville afin
d'associer les collectivités publiques à la réalisation...la réaction
s'est malheureusement faite attendre. Il est particulièrement regrettable
qu'à cette époque il ait été impossible d'obtenir un appui au sein
du Conseil administratif de la Ville de Genève. Il est indéniable
que l'acquisition de deux des quatre bâtiments aurait pu se faire
avec une économie de plusieurs centaines de milliers de francs.
Sur le plan cantonal, le débat était lancé par l'intermédiaire de
la motion M 1190 (initiée encore une fois par Régis de Battista)
déposée par Alberto Velasco, Christian Brunier, Christine Sayegh,
Luc Gilly, Loly Bolay-Cruz, Christian Ferrazino, Anne Briol, Antonio
Hodgers et David Hiler afin que le Conseil d'Etat trouve une solution
permettant la réalisation de ce projet.
A la fin de 1998, en désespoir de cause, Philip Grant, Marco Ziegler
et Sami Kannaan déposent un arrêté urgent (PA-385) demandant une
donation de 1,2 millions permettant d'acheter un des quatre bâtiments.
L'arrêté a été alors adopté le 2 décembre 1998. C'est le véritable
coup d'envoi à la réalisation de la Maison.
Entre temps, au mois d'août 98, le Conseil d'Etat, par l'intermédiaire
de M. Laurent Moutinot (Chef du Département des travaux public)
achetait deux immeubles lors d'une vente aux enchères. Ces bâtiments
ont été enfin octroyés en droit de superficie à la Fondation pour
l'expression associative le 1er Mai 1999.
A ce stade, la Fondation s'est préoccupée de démarrer les travaux
dans les bâtiments déjà obtenus. Depuis le départ, elle a pu compter,
d'une part, sur les architectes Cyrus Mechkat, Bill Bouldin et Stephane
Fuchs et, d'autre part, sur l'équipe de la Coopérative Bio Logis-K
composée de Nasser Beressa, Philippe Progin et Raymond Beffa. Ces
personnes ont su rénover six étages de bureaux, s'appuyant sur l'aide
précieuse des membres de l'association Atelier Vivant.
La finalisation n'en fini pas
Alors que la Maison des associations a investi trois des quatre
bâtiments concernés par le projet initial, la quasi totalité des
élus considèrent que le monde associatif disposent désormais largement
des moyens nécessaires au développement de ses activités. Trop rares
étaient celles et ceux qui avaient compris le rôle stratégique du
dernier bâtiment qui faisait encore défaut et qui aurait permis
une exploitation saine et durable du projet.
En effet, ce dernier bâtiment était censé être occupé au rez-de-chaussée
et au 1er étage par la Maison des associations et, aux étages supérieures,
conserver les appartements existants. Afin d'assurer la gérance
de ces espaces selon des critères sociaux et économiques irréprochables,
la Fondation s'était assuré la collaboration de Philippe Favarger
(professeur à l'EPFL) de la COHDA qui a constamment suivi le montage
financier du projet.
Après de longs mois de silence, à l'automne 1999 le couperet tombe.
Si jamais un jour la Maison des associations comprendra le quatrième
bâtiment, ce sera sans les étages locatifs: «la Fondation pour l'expression
associative ne gérera jamais des appartements, telle n'est pas sa
vocation». La rentabilité du projet en prenait là un coup sérieux
dont les conséquences ne pourront être établies que dans quelques
années.
Il faut rappeler que, dans cette phase finale, la plupart des élus
étaient exaspérés par la pression exercée sur eux et ne comprenaient
pas la nécessité d'obtenir des superficies supplémentaires.
De plus, le climat politique, dominé par l'orage provoqué par le
projet constitutionnel en vue de la création de la République et
Ville de Genève, ne se prêtait pas particulièrement à l'écoute attentive
et sereine des exigences du monde associatif. La mise sous toit
du budget 2000 de l'Etat, accompagnée entre autre par les disputes
se chiffrant à plusieurs dizaines de millions de francs autour de
l'Halle 6 de Palexpo et du Stade de la Praille, ne laissait guère
le temps aux élus de se pencher sur les 2,5 millions demandés pour
la Maison des associations.
Malgré cela, les membres du Conseil de la Fondation ne tarissaient
pas d'efforts pour aboutir au résultat espéré. Il a fallu toutefois
attendre le printemps pour que les esprits s'apaisent et un dialogue
constructif se renoue avec les élus.
Il n'est pas inutile ici de rappeler qu'à ce stade la Fondation
avait essayé d'obtenir le soutien de toutes les forces politiques
en partant du principe que la défense et la promotion des droits
de la personne et des peuples, la protection de l'environnement,
la promotion de la paix et du désarment, comme celle du développement
durable sont des thèmes qui ne concernent pas plus une partie de
l'échiquier politique qu'une autre.
Au grand regret toutefois, seule l'Alternative (Alliance de Gauche
- PS - Parti écologiste) a accepté unanimement de finaliser le projet.
C'est ainsi que lors de cette phase délicate, grâce en particulier
aux démarches entreprises par Christian Ferrazino et Christian Grobet,
le monde associatif a pu obtenir la dernière partie de sa Maison...sous
certaines conditions.
La lumière au bout du tunnel
Au mois de juin 2000, le Grand Conseil adoptait le projet de loi
(PL 8266), déposé par Christian Grobet, Dominique Hausser et Anne
Briol, accordant une subvention unique de CHF 900'000 et une caution
pour les prêts contractés à concurrence de 3,6 millions. Le tout
assorti de la condition que la Fondation accepte . page 4 . une
baisse des coûts de fonctionnement ainsi que la présence d'une Délégation
au sein du Conseil (composée de deux fonctionnaires de l'Etat, deux
de la Ville et de trois membres désignés par la Fondation) ayant
la tâche de porter à terme les travaux de rénovation des bâtiments.
La restitution proposée par les membres de la Fondation du bien
acquis avec le 1,2 million attribué à son temps par le Conseil municipal,
a permis parallèlement de faire adopter par le Conseil Municipal
l'arrêté PR-55 (déposé par le Conseil administratif) octroyant à
la Ville de Genève un crédit de 1,5 million pour permettre d'acquérir
les étages nécessaires du dernier bâtiment.
Le référendum lancé, sous l'impulsion de Bernard Lescaze (Radical)
et Mark Muller(Libéral), contre l'arrêté adopté par le Conseil municipal
n'ayant pas récolté le nombre minimal requis de signatures devait
échouer.
Dans ce contexte mouvementé de fin d'été 2000, il faut rendre hommage
aussi à la section Ville de Genève du PDC, et en particulier à Alice
Ecuvillon, Robert Pattaroni et Didier Bonny qui ont eu le courage
de soutenir activement le projet. Une note de mérite doit être attribué
à John Dupraz (Radical) qui n'a pas lésiné ses efforts pour convaincre
ses collègues de parti du bien fondé de ce projet.
Le monde associatif peut enfin se réjouir d'avoir obtenu un instrument
de travail de cette envergure. Il devra maintenant savoir le gérer
dans l'indépendance, nécessaire à l'essor des réflexions. Si le
partenariat avec l'Etat et la Ville de Genève devra bien se poursuivre,
dans le cadre de la Genève internationale, ce projet n'appartiendra
à personne en particulier et sa réussite dépendra uniquement de
l'apport responsable de chacun.
Le Conseil de la FEA.
Genève, septembre 2001